Artistes de référence - Les chroniques de Jean-Paul Gavard-Perret
Edith Chauvet-Simon LE FEMININ DE LA PEINTURE
Edith Chauvet-Simon est l’artiste des bordures et des rondeurs. Celle des plis et de la musique aussi. Je ne sais si dire que la peinture et la sculpture féminines a un sens. Mais dans ce cas cette nomenclature définit parfaitement une telle approche riche en variations, tonalités et en harmoniques. Apparemment la créatrice n’insiste pas sur le côté féminin de son approche. Elle l’envisage sous un aspect plus généraliste. « La représentation de l’idée me captive, l’univers de la pensée, la place de l’homme dans la nature et dans ses relations avec ses semblables. Le chemin de l’imaginaire, du songe et du rêve , la recherche intuitive des éléments d’une représentation physique qui dégage une attitude morale » écrit-elle. Mais comment n’être pas sensible dans ce qui dans l’œuvre joue sous la douceur, la maternité, les rapports amoureux harmonieux !
Dans des tableaux parfois minimalistes et comme en très gros plans dans lesquels des parties du corps sont discrètement soulignés et délocalisés émergent des suites d’états naissants. De couleurs diaphanes surgissent une puissance d’aurore. Ces couleurs créent une lumière étrange et erratique qui infiltre le regard jusqu’au moindre repli de notre existence. Emerge ce que Rilke connaît "la puissance de la hantise". Mais celle-ci n’a rien d’anxiogène. Elle est à l’inverse reposante. L’artiste tisse un espace fragile, décomposé, aux couleurs déplacées. Les ombres sont rendues à la lumière. La peinture donne du temps et donne à voir en sa fragilité, ses affleurements. Il y a là un immense discours muet et musical et sans doute une géographie de la mémoire.
Ce qui se passe dans les âmes s’actualise dans les corps parfois repliés sur eux-mêmes en une attitude quasi fœtale de recueillement. Tout devient silence au sein des inflexions sensorielles que propose Edith Chauvet-Simon de manière intuitive. L’artiste prouve qu’il n’existe pas de figure comme de droite sans courbures entremêlées. Le convexe dégage une concavité et vice versa et caque courbure détermine une oscillation atour d’elle. D’où la gravité solennelle des peintures et des sculptures. Cela crée à la fois des inflexions mais une homogénéité en chaque œuvre.
Certains tableaux dans leur repli ou plutôt le rapprochement corporel qu’ils induisent, crée une forme d’abstraction si bien que le corps au sein même de sa sensualité prend son envol vers des domaines plus éthérés. N’est-ce pas là une manière de dégager de l ‘animalité de l’amour pour porter vers son « âme-inalité » ?
Toujours est-il que dans la variation de points de vue dans chacune des œuvres de l’artiste perdure une perspective qu’on nommera céleste et mélodieuse. Cette variation prend ici tout son sens musical à travers des suites d’harmoniques qui font de Edit Chauvet-Simon la peintre du silence mais aussi de la musique. Comme dans cet art son œuvre inclut l’inflexion. C’est là une idéalité, une virtualité qui n’existe dans le corps que par l’âme dont il est l’enveloppe. Pour donner à voir cette âme, l’artiste plie et déplie cette enveloppe. Si bien que toute surface devient un dedans. Chaque inflexion (musicale ou de recueillement) est inclusion.
Jean-Paul Gavard-Perret
Né en 1947 à Chambéry, Jean-Paul Gavard-Perret est maître de conférence en communication à l´Université de Savoie. Il poursuit une réflexion littéraire ponctuée déjà d'une vingtaine d'ouvrages et collabore à plusieurs revues.
artiste-peintre et sculpteur